L’extension du domaine du BIM

Le BIM (Building Information Model), on en entend beaucoup parler et on croit savoir ce que c’est. Il s’agit de Building, donc de bâtiments, d’Informations, donc de données, et de Modeling, c’est-à-dire de conception, donc de mise en forme.

C’est du moins la seule chose que cet acronyme nous apprend.

Pour ce qui est d’aller plus loin que la signification brute de l’acronyme, il s’agit de bien autre chose. Mais de quoi exactement ? Est-ce que le BIM est vraiment une nouveauté pour commencer ?

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Wikipédia, que l’on peut croire sur parole tant il a d’observateurs à l’affût de la moindre défaillance, nous apprend ceci : “L’architecte Phil Bernstein, conseiller chez Autodesk, fut le premier à utiliser le terme BIM pour « Building Information Modelling.”

Il apparaît donc que le terme a été utilisé à l’origine dans le domaine de l’architecture. Mais comme Monsieur Jourdain serait-il possible que l’on ait fait du BIM avant le BIM sans le savoir ?

C’est tout à fait possible car, car toute considération religieuse écartée, ce n’est pas le nom qui crée la chose.

Depuis bien longtemps les disciplines de conception mécanique modélisent des objets 3D pour imiter le réel en représentant des propriétés statiques et dynamiques et font du BIM sans le dire. La représentation fidèle en 3D de la réalité, associée à ce que l’on appelle le PLM (Product Lifecycle Management) s’apparente fortement à ce que l’on appelle le BIM. Les puristes me diront que non mais toutes les bases étaient déjà là.

Le concept du BIM n’est donc pas nouveau, loin s’en faut. Ce qui est nouveau est l’extension de son domaine. Personne ne sait à l’heure actuelle d’ailleurs exactement où se situent les limites de ce domaine, pour deux raisons: personne ne les a encore explorées, et l’aurait-on fait, elles changeraient tous les jours.

Le BIM est à la charnière de deux mondes. Le monde réel et le monde numérisé. Votre ordinateur aussi est à la charnière de deux mondes. Un disque vinyle, qui ne date pas d’hier, est aussi à la charnière de deux mondes, c’est à la fois un objet matériel et totalement immatériel puisqu’il est capable de reproduire de la musique. Magique.

Si l’on n’en est qu’au début dans le domaine du BIM en architecture et infrastructure, on peut sans difficulté imaginer où le BIM nous conduira. Il nous conduira dans un monde parallèle, celui d’un monde numérique ne représentant plus le réel, mais le reproduisant.

Nous n’en sommes qu’aux prémices. On s’extasie actuellement en voyant une maquette numérique sur l’écran d’un ordinateur, Mais il ne s’agit que d’objets simplifiés, modélisés en 3D, statiques, auxquels on a attaché quelques pauvres propriétés. L’avenir n’est pas là, l’avenir est dans la reproduction numérique complète du monde réel non pas tel qu’il est à un instant T mais tel qu’il sera à tous les instants dans le futur (et était dans le passé). Un bâtiment, ça vie, ça vieillit, ça s’abîme, ça se reconstruit parfois (pas encore tout seul mais on va y venir, si, si…). C’est cette vie des bâtiments et des infrastructures que dans l’avenir nous reproduirons informatiquement avec tout le réalisme nécessaire de façon que l’on ne puisse plus distinguer entre le réel et l’artificiel.

Certains jeux vidéos ont déjà bien avancé dans cette direction. Et dans les jeux vidéos il y a des personnages. Il y en aura naturellement dans le BIM en architecture et en planification des cités. Les logiciels Autodesk par exemple qui simulent des mouvements de foule seront intégrés à ces maquettes de bâtiments, mais bien plus que cela, on reproduira le fonctionnement des êtres humains, leur réflexion, leur comportement, leurs erreurs également pour les faire vivre dans ce monde artificiel. Ceci existe déjà de façon embryonnaire dans certains jeux vidéos. La robotique humanoide rejoindra le BIM.

Finalement, la réalité artificielle numérique sera bien supérieure à la réalité puisque en plus de la reproduire visuellement et fonctionnellement, elle lui ajoutera les bases de données qui manquent à la réalité. Un meuble ne sait pas quelle taille il fait. Un meuble dans le monde du BIM et de la réalité artificielle le saura. Le BIM apportera l’intelligence aux objets.

C’est une évolution finalement très naturelle de l’Humanité. Se doter d’outils de plus en plus performants est une histoire qui a commencé à la préhistoire. Mais le propre de l’ère numérique est que les outils ne transforment plus seulement le réel mais aussi la représentation que l’on en a fait. Je n’apprendrais rien à ceux qui ont un ado à la maison, c’est à dire sur son ordinateur, en disant que le monde réel, pour un ado, est un concept flou et étrange dont il ne perçoit pas bien la nécessité. Je ne m’en désole pas. J’aurais aimé dans ma jeunesse vivre dans ce double monde.

Nous ne manquerons pas de BIM managers. Ils ont déjà les (deux) pieds solidement ancrés dans ce deuxième monde.

Pour terminer, je laisserai la parole à Confucius, qui répondait déjà aux détracteurs du BIM il y a 2500 ans:

Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire.

Un exemple de jumeau numérique qui correspond mieux à la fameuse « maquette numérique » dont la terminologie a trompé son monde au début du BIM est la reconstruction de Notre-Dame:

2024-01-17T23:00:00Z
À partir du 18 janvier, le public peut découvrir au Téléport l’Exaltemps, un lieu conçu par Dassault Systèmes au sein de la Cité de l’architecture et du patrimoine, une expérience immersive unique à l’échelle 1I1. Cette expérience permet de se téléporter dans diverses empreintes numériques tridimensionnelles de la cathédrale Notre Dame de Paris, à différentes époques de son histoire.

Guidés par des conférenciers, de petits groupes de visiteurs sont plongés dans les données scientifiques et la restauration de la cathédrale, grâce à la collaboration avec le chantier scientifique Notre Dame de Paris du CNRS, le Ministère de la Culture, l’Établissement public en charge de la conservation et de la restauration de la cathédrale et Dassault Systèmes.

Des ateliers de travail ont été organisés pendant plusieurs mois, réunissant les acteurs du chantier scientifique et de restauration, explorant différentes thématiques telles que les matériaux, l’architecture et l’archéologie. Ces ateliers ont démontré comment les outils de simulation et la réalité virtuelle accélèrent la recherche scientifique et documentent le chantier de restauration, facilitant les échanges interdisciplinaires.

Ces ateliers se poursuivront en 2024, avec des mises à jour régulières des contenus de l’expérience immersive, en parallèle des campagnes de numérisation menées par le CNRS et l’Établissement public.

Cette immersion dans les coulisses de la science s’inscrit dans la continuité de l’exposition temporaire « Notre Dame de Paris : des bâtisseurs aux restaurateurs », faisant écho à la collection permanente de moulages grandeur nature de la Cité de l’architecture et du patrimoine.